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Écrits virtuels

PRÉSENCES D'ICI ET D'AILLEURS

Lambeaux testamentaires

Quand viendra l'heure funeste de mon dernier souffle ; perdu dans l'opaque noirceur que connaissent les aveugles, il sera temps pour vous, vermines prédatrices, de retourner à vos courtisaneries, afficher vos larges sourires carnassiers et compliments de circonstance d'hier. Vous trouverez j'en suis sûr, ici, dans ce moment suspendu et de recueillement, ou ailleurs, des hommes que vous tenterez d'attendrir par vos artifices, propices à faire briller une amitié de façade. ​ En cela, rien de bien surprenant. Le monde est plein de rondes macabres où les imposteurs comme vous se sont avilis à profaner, les sentiments les plus nobles. La cérémonie d'enterrement à peine commencée, qu'une déchirante tristesse, emplie de trémolos, vous saisira la gorge. Les souvenirs en ma compagnie, réanimeront le passé, comme un enchantement.

Votre imaginaire fertile fournira de croustillantes anecdotes qui se dissémineront, dans les conversations. Éloquence subtile et réfléchie, propre à parfaire la légende de vos allégations. L'excès marié à l'indécence, ce spectacle aura toutes ses chances de finir en apothéose. Hommages appuyés, quelques mots mielleux et communs soulignant une familiarité qui nous unissaient, bien que nous fûmes distants. D'une pure gentillesse ! Simple ! Serviable ! Et quel joyeux drille ! Que n'aurait-on pas fait pour lui ! Il va nous manquer ! L'escalade des compliments dans sa laideur la plus abjecte... Puissiez-vous être dépouillés de vos mensonges et couverts de honte !

Nous sommes au centre d'un indicible désastre qui s'abat sur mes authentiques camarades. Ces lambeaux testamentaires leur sont destinés : ​ Ô personnes que j'ai tant aimées, vous êtes les détenteurs du flambeau fraternel. Faites qu'il ne s'éteigne point. Qu'il vous réchauffe comme il put si bien me réchauffer. Avancez, le pas sûr, droit devant vous. Séchez vos larmes et ne vous retournez point. Il n'est rien de plus solide que ce que nous eûmes partagé vous et moi. Le lègue irremplaçable que vous m'avez transmis, au nom de notre estime mutuelle, vous honore à jamais. Un éclat de vie, s'en est allé vers l'inconnu. Les pensées, fluctuantes, ressac de l'âme humaine iront frapper là où sommeille votre douleur. Elles vous tourmenteront, et vous les chasserez reprenant le dessus sur la fatalité. La mélancolie des inconsolables, ne s'estompe qu'en l'opposant à la bravoure des résilients. ​ N'ayez point de retenue ! Vous êtes impuissants, confrontés à l'inéluctable mais libres de me renvoyer à la terre qui nous sépare à présent. Buvez ! Riez ! Dansez ! Chantez à ma mémoire ! Rappelez-vous à nos bons vieux souvenirs... Ces festins vespéraux... Trames de nos torrentielles conversations sous les étoiles... Ces journées d'escapades d'une équipée, fuyant l'insoutenable pesanteur des villes et leurs réglementations... Des départs et des retrouvailles qui n'en finissaient plus... Brouillant les pistes à la lassitude qui étreint ​​jusqu'à l'asphyxie. Je ne sais quel âge vous aurez, quand viendra le coup de grâce. Nous sommes tous des otages en sursis, mais de l'antre des morts, je sortirai pour être sur vos traces ; spectre errant posté en sentinelle. ​ À l'affût de vos habitudes, je percerai l'invisible pour me fondre dans la matérialité de ce qui vous entoure. Vous me devinerez, alertés par l'énigmatique intuition que vous ressentirez, et qui sait, apaisés de frôler pour quelques secondes, quelques minutes, une abstraction. Vous qui m'aviez adopté, allez en paix ! Ne vous attardez point... Vivez !

Supplément de : PRÉSENCES D'ICI ET D'AILLEURS

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